VISITE D'UN CHANTIER EN OSSATURE BOIS ET ISOLATION PAILLE

Visite du chantier, septembre 2022 © CAUE 94

Le CAUE 94 et son pôle Agence de l’Énergie ont organisé, avec le Collect’If Paille, une visite pour découvrir le chantier d’un bâtiment de 200 m2 à ossature bois et remplissage paille, situé à Ivry-sur-Seine.
Une quinzaine de professionnels du bâtiment étaient présents pour découvrir ce projet lors d'une visite précédée d’une présentation plus générale du chantier, ses enjeux et sa démarche environnementale.
Ce Coup de PROjecteur a suscité beaucoup d’intérêt et soulevé de nombreuses interrogations sur la filière paille et ses techniques. La visite a fait émerger un réel engouement pour ce procédé constructif. De nombreux professionnels ont émis le souhait d’assister à une visite ou à une présentation du bâtiment lorsqu'il sera achevé. Des questions sur les éventuelles contraintes ont également pu être partagées.

Le projet, qui comprend une maison et un local professionnel, est en bois, terre et paille. Chaque matériau a été sélectionné pour ses qualités écologiques et ses performances thermiques. Les murs de façade sont à ossature bois avec un remplissage de bottes de paille de blé provenant d’Île-de-France ; un enduit intérieur en terre et un enduit extérieur avec une finition chaux-sable assurent la bonne perspirance du mur ainsi qu'un confort thermique et hygrométrique optimal ; enfin, les menuiseries extérieures sont en bois et les toitures-terrasses végétalisées.
 
La construction paille interroge les pratiques constructives. Le CAUE du Val-de-Marne a invité Francis LANDRON, architecte, à répondre à quelques questions afin de partager son expérience. 

Entretien avec Francis Landron // Architecte DPLG, [Francis Landron SARL D’architecture] & [Co-Président du Collect’If Paille]

  
. Pourquoi avoir choisi la paille pour isoler votre bâtiment ?
 
“ Dans mon travail d'architecte, je recherche la plus juste utilisation des ressources naturelles pour réaliser les objectifs attendus.
La paille est une ressource abondante liée à notre alimentation. Sous forme de bottes elle a des caractéristiques physiologiques excellentes pour isoler les constructions, elle stocke du CO2 au lieu d’en émettre, elle est peu chère.
Aucune paille n’est produite pour le besoin d’isolation, nous utilisons le co-produit agricole qui autrement serait retourné dans le champ, pour en faire un produit du bâtiment ; cela permet de retisser des liens ville-campagne. La transformation minimale du bottelage dans le champ offre une efficience écologique optimale, c’est le matériau le plus économique pour isoler. Seule l’énergie pour son transport est à compter.
 
C’est aussi un confort d’hiver comme d’été qui est assuré avec l’isolation paille !  Pour le confort estival, la botte de 37cm connaît un déphasage thermique de 12h, ce qui va lui permettre de réguler les pics de température. En hiver, cette même botte confère à la paille une résistance thermique de 7 m2.K/W.
 
La paille est également pérenne : la maison Feuillette, construite en 1920 à Montargis (inscrite aux Monuments historiques), a conservé sa paille intacte. Elle abrite aujourd’hui le Centre national de la construction paille et le siège social du Réseau Français de la Construction Paille. Émile Feuillette, ingénieur, avait vu juste en son temps, il avait compris l’avantage de capter dans ce qui sert à notre alimentation les bienfaits des tiges du blé pour se loger dans une économie de moyens parfaite. Il aura fallu un siècle pour prendre conscience que ce matériau disponible annuellement est sain pour l’homme et que ses techniques de mise en œuvre commencent à se répandre.”

 
. Comment assurer un bâtiment en paille ?

“ Aujourd’hui et grâce aux règles professionnelles de la construction paille établies par les membres du RFCP de manière collégiale par des spécialistes ayant expérimenté de nombreuses techniques dans toute la France, la construction paille fait partie des techniques de construction dites “courantes” depuis 2012.  C'est un matériau de construction ancien, lié à la terre et à la pratique de l'agriculture.
Nous sommes aujourd'hui en phase de normalisation de ces techniques souvent séculaires, que nous redécouvrons.
 
La filière est encadrée par des règles professionnelles en vigueur depuis 10 ans, avec la validation des premières Règles Professionnelles de la construction en paille par le secteur du bâtiment et de l’assurance via la C2P (Commission Prévention Produits).
Les Règles professionnelles font ainsi partie du domaine traditionnel et des techniques courantes de construction, au même titre que les DTU. Une formation intitulée PRO PAILLE, à la qualité de laquelle veille le RFCP, permet d’acquérir les compétences nécessaires à leur application. ”
 
Ces règles professionnelles font l'objet d'une publication.”
 
 
. Quelle est la durée de la résistance au feu d’un bâtiment isolé en paille ?
 
“ La paille est utilisée principalement pour ses vertus isolantes, elle n’est jamais laissée apparente et est revêtue à l'intérieur comme à l'extérieur. La protection des isolants doit être faite par un parement (enduit, plaque de plâtre, bardage…) ayant la résistance au feu exigée pour en fonction du type de bâtiment (logement individuel, collectif, ERP…).
La botte de paille est tellement compressée qu’elle ne permet pas l’oxygénation du foyer et sa combustion est très difficile.
De plus, des essais ont permis de constater qu’un matériau dense et très isolant comme la botte de paille a l’avantage de protéger la structure qui elle-même, généralement en bois, conserve ses propriétés mécaniques relativement longtemps en cas d’incendie.
 
Ainsi, sur ce projet, les murs de 36 cm d’épaisseur en bottes de paille revêtus d’enduits sont coupe-feu pendant 2 heures.”
 
 
. Qu’est-ce qui pourrait aider à développer la filière paille ?  

“ En premier lieu, il serait utile que toute personne motivée à faire évoluer les techniques de construction nécessaires à la transition qui s'impose désormais adhère au Réseau français de la construction paille. Le RFCP vise en effet à soutenir l’effort de développement technique et la diffusion de cette méthode de construction écologique. C'est une association nationale représentée localement par le Collect’IF paille. La construction paille n'étant pas un mode de production usuel et industriel, je rappelle que ce sont principalement des bénévoles qui font évoluer les techniques et les font valider auprès des autorités.
Adhérer est peu coûteux et nous permet, par exemple, de faire établir des règles professionnelles pour la paille porteuse et l'isolation thermique des bâtiments existants, grands enjeux écologiques du moment.
 
Il y a une véritable opportunité pour les entreprises du bâtiment de s’intéresser aux constructions en paille. Il faut former plus de professionnels et dans tous les secteurs : métiers de la conception, entreprises du bâtiment, agriculteurs...
 
La matière est moins chère que la plupart des autres isolants. Ce qui est plus cher, en revanche, c’est le coût de la main-d’œuvre. Mais il s'agit d'une main-d’œuvre qualifiée, ce qui permet de développer des emplois et des filières économiques locales.”