CAUE & Agence de l’énergie 94 CAUE 94 Le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement du Val-de-Marne assure les missions de conseil aux particuliers et aux collectivités locales, d’information et de formation des professionnels et de sensibilisation du public. CAUE 94, architecture, urbanisme, environnement, conseil, sensibilisation, formation, pédagogie, participation, transition écologique, climat, rénovation, économie, écologie

RÉHABILITATION ÉNERGÉTIQUE DES ÉCOLES

L’ÉCOLE MATERNELLE JACQUES GILBERT-COLLET À CHEVILLY-LARUE

Le CAUE 94 et son pôle Agence de l’Énergie ont organisé une visite de l’école maternelle Jacques Gilbert-Collet dans le cadre des Coups de PROjecteur en juillet dernier.

Lors de cette visite, destinée aux professionnels du cadre de vie de notre département, la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage nous ont expliqué les particularités de ce projet :
·       Une rénovation exemplaire en termes de qualité architecturale et de réduction d’énergie (-65% de réduction des consommations).
·       Un exemple pertinent de rénovation en termes de confort d’été.
·       Une rénovation primée par :

  • Le Trophée des Communes pour la rénovation énergétique (2020) 
  • Le Palmarès 2023 Réhab XX (réhabilitations exemplaires de l’architecture de la seconde moitié du XXe siècle, un prix décerné par le Ministère de la Culture et le Cerema)
  • Le Trophée de la Construction 2023 (SMABTP et BatiActu )
Ecole Jacques Gilbert-Collet, Chevilly-Larue, façade Sud Est avant /après rénovation
Ecole Jacques Gilbert-Collet, Chevilly-Larue, façade Sud Est avant /après rénovation © Takuji Shimmura

La rénovation énergétique des écoles est un sujet transversal et complexe, mêlant plusieurs questions techniques, impliquant différents usagers, mobilisant de nombreux services municipaux et pour lequel la question financière est cruciale. Afin d’échanger sur ce thème, le CAUE du Val-de-Marne a invité Farid TAHRI, responsable du secteur travaux neufs et maîtrise de l’énergie et adjoint au responsable du patrimoine bâti de Chevilly-Larue, à partager son expérience lors d’un entretien.
 

Entretien avec Farid Tahri

Responsable du secteur travaux neufs et maîtrise de l’énergie
Adjoint au responsable du patrimoine bâti, Mairie de Chevilly-Larue
 
Pouvez-vous nous dire quelles ont été les premières étapes pour définir votre projet ?

La première étape a été de comprendre les besoins techniques et fonctionnels.
Les besoins fonctionnels, ce sont notamment les besoins des utilisateurs en matière de fonctionnement et d'usage. Afin d’améliorer l'utilisation des locaux, nous avons fait plusieurs réunions avec différents types d'utilisateurs : les enseignants, les ATSEM (les agents territoriaux spécialisés qui assistent le personnel enseignant et les enfants en maternelle), les agents d'entretien et le personnel du réfectoire et de la cuisine. Il y avait à peu près 15 personnes.  
Nous avons organisé des réunions avec chaque catégorie. Il était nécessaire de prendre le temps de les écouter une par une afin d’aboutir à une liste de demandes. 
Celle-ci a été soumise aux élus, qui ont arbitré, puis nous avons pu intégrer ces requêtes au programme.
Nous avons pensé un programme qui permette d’atteindre des objectifs à la fois techniques et environnementaux, ce qui nous a conduit à mener des réflexions sur les économies d'énergie, sur le confort d'été, sur la qualité de l'air intérieur, sur la récupération d'eau, etc.
En parallèle des échanges avec les groupes d’usagers, différents diagnostics ont été réalisés. Ceux obligatoires pour la présence des matériaux dangereux, le plomb et l’amiante, et un audit énergétique. Ce dernier a permis de définir les ambitions environnementales du projet. Trois scénarii avaient été proposés et nous avons pu dessiner un premier objectif à atteindre.
Il y a donc eu différentes thématiques que nous avons progressivement intégrées au programme et pour lesquelles nous avons ensuite demandé à une maîtrise d'œuvre de trouver des solutions.
Voilà la première étape du projet, durant laquelle tout le programme du projet a été établi par la ville.


Comment s’est fait le choix de la maîtrise d’œuvre ?

Nous avons lancé un dossier de consultation, une fois que le programme a été bien ficelé. Dans ce dossier, il y avait notamment le règlement de consultation qui définit les règles de sélection des candidats sur la base de critères et sur la base de l'esquisse.
Nous avons reçu plus d’une dizaine de candidatures. Nous avons d'abord fait une sélection en appliquant quelques critères, sans rentrer dans le détail du projet, puis nous avons retenu trois candidatures. Cette phase a respecté une procédure de marché public qu'il fallait suivre pour choisir le meilleur candidat. Il leur était demandé de nous fournir une première représentation du projet : perspectives, esquisse du projet, etc. Et cette esquisse, c'est-à-dire une image du futur bâtiment, a été soumise aux élus afin qu’ils puissent choisir parmi les trois projets, chacun avec leurs avantages, leurs inconvénients, leurs coûts et leurs contraintes.
 
Le candidat qui a été retenu est l’agence CroixMarie-Bourdon pour l'originalité de la conception. Leur proposition traitait également toutes les questions que nous avions posées : elle prenait en compte le fonctionnement, les usages, le confort d'été et les économies d'énergie. Et architecturalement, c'était le plus beau projet. Nous avons utilisé du bois, nous avons créé une coursive qui ceinture le bâtiment et cela a donné une nouvelle jeunesse au bâtiment !


En termes de réduction d’énergie, est-ce qu’il y a eu des évolutions entre le stade conception et la phase d’exploitation après chantier ?

Les résultats de consommation après travaux atteignent les objectifs qui ont été fixés au départ, à savoir une réduction de 65% des consommations énergétiques. Ainsi que les autres problématiques de confort qui ont pu être traitées : confort d'été et amélioration de la qualité de l'air.
Nous avons répondu à l'ensemble des exigences annoncées au stade conception, sauf en matière d'étanchéité à l'air ; sur ce sujet, le programme a été plus exigeant que ce que l’on pouvait faire dans la réalité.
Il y a ce qu'on appelle un test d’étanchéité à l’air Q4, qui a été fait. Nous l’avions fixé à 1,2 m³/h/m² au stade conception et nous avons atteint 1,8 m³/h/m². Donc c'est moins bon. Cela est dû au fait que nous avons fait une rénovation partielle, c'est-à-dire qu'on n'a pas touché la toiture. Celle-ci avait déjà été rénovée en 2014 et ce que l’on a fait maintenant, c'est compléter cette première phase de travaux entamée en 2014, en programmant une rénovation du reste de l'enveloppe du bâtiment et l'amélioration des systèmes de chauffage, de ventilation ou encore l’électricité.
 
Pour le confort d'été, nous avons pu observer l’amélioration par des mesures de températures. Nous avions installé des sondes avant les travaux et après les travaux. Nous avons constaté, par exemple, pendant la période de canicule, lorsqu'il faisait 38°C à l’extérieur, que la température intérieure montait jusqu'à 41°C ! Il y avait beaucoup de vitrage et un apport solaire non maîtrisé auparavant. ! Mais, après les travaux, nous sommes descendus à 27°C au maximum à l’intérieur de l’école. Ce qui permet de garantir la fraîcheur pendant les périodes de canicule. Avant, les élèves devaient sortir pour s'abriter sous les arbres de la cour. Aujourd'hui, ils restent à l'intérieur du bâtiment.
 
Le confort s’est également amélioré en hiver. Aujourd'hui, nous chauffons à 19°C. Avant, cette température n'était pas confortable, parce qu'il y avait des infiltrations et des effets de parois froides dues à une isolation défaillante du bâtiment. C'est-à-dire que, même si vous augmentiez la température de l'air ambiant, les murs étaient froids et donnaient une sensation de froid aux usagers.
Aujourd'hui, ce n’est plus le cas parce que les murs sont isolés, il est donc possible d’être à 19°C sans créer de sensation d'inconfort pour les usagers.
Il y a aussi moins de polluants, notamment en termes de COV, grâce à un renouvellement d'air amélioré par rapport à la situation initiale.


Par rapport aux aides financières à la rénovation énergétique, quels pourraient être vos conseils ou vos points de vigilance afin d’obtenir ces subventions ?

Pour les subventions, le mieux c’est d’aller voir l'éligibilité aux aides dans le cahier des charges de chaque subventionneur.
Le premier conseil que je peux donner, c'est de monter un bon dossier qui montre les atouts du projet. Dans notre dossier, nous avons démontré comment nous allions atteindre un gain de 65 % et comment nous allions résoudre les problèmes d'inconfort d'été, en expliquant que c’est une question prioritaire.  Ça, c'est un point qui a été mis en avant. L’amélioration de la qualité de l’air pour les enfants a également été un sujet important car nous n’étions pas aux normes sur ce point là.
Il est bien d’avancer, si possible, des arguments en équivalents labels. Nous, par exemple, notre objectif était de se rapprocher du label BBC (Bâtiment Basse Consommation).
Il faut aussi présenter un bilan financier et demander les aides avant de commencer les travaux.
Mais il ne faut pas s'y prendre non plus trop en amont parce qu'après, il y a des délais à respecter pour le démarrage des travaux. Et que si ces derniers ne correspondent pas il faut faire des avenants.
Pour moi, le dossier est à envoyer un an avant de démarrer les travaux. Nous avons eu des aides de la Métropole du Grand Paris (500 000€), de la Région Île-de-France (200 000€) et du SIPPEREC (170 000€), soit plus de 40% du coût total de l’opération (2 800 000€).


Sur l'ensemble du patrimoine scolaire de la ville, avez-vous une visibilité quant aux prochains travaux à réaliser ?

Nous avons quatre groupes scolaires dans notre ville. Nous nous sommes occupés des priorités avec la rénovation de l’école Jacques Gilbert-Collet. Mais aujourd'hui, nous n’avons pas assez de moyens pour qu'on puisse rénover de manière aussi conséquente tous nos bâtiments scolaires. Nous venons de construire une nouvelle école avec un budget de 15 millions d'euros.
Pour les autres écoles existantes, on essaie d'améliorer selon les priorités. L’année dernière, nous avons fait une rénovation de l'école Pasteur. En 2025, nous allons installer des brise-soleil sur l’école Paul Bert parce qu'ils ont de gros problèmes d'inconfort l'été. C'est un budget compris entre 300 et 400 000 euros.
La rénovation du gymnase Marcel Paul est également programmée. On est en phase d'étude et on va lancer les travaux en avril 2025. Nous visons cette fois un label BBC.


Quels conseils pourriez-vous donner à une autre ville qui voudrait se lancer dans la rénovation énergétique de son patrimoine ?

Je suis thermicien de formation et c’est pour cela que je suis sensible à toutes les questions thermiques, d'économie d'énergie, de confort d'été, etc. Le mieux est, selon moi, d’avoir une ou plusieurs personnes sensibilisées à ces sujets dans son équipe.
À chaque fois qu'il y a un projet, j'essaie de le voir sous cet angle-là pour trouver des solutions techniques qui permettent des améliorations thermiques. Chose qui, peut-être, sera moins évidente pour quelqu'un qui n'est pas thermicien.
L'énergie c'est un tout : soit on veut rénover l'ensemble de l'enveloppe, et là nous pouvons faire des économies ; soit on rénove une partie, mais dans ce cas il ne faut pas espérer faire des économies substantielles. 


Dans le cadre de la rénovation énergétique, quel rôle avez-vous vis-à-vis des élus ?

Toutes ces problématiques-là, il faut pouvoir les faire remonter aux élus pour qu’ils puissent décider.
À chaque fois, il faut aller les voir avec des chiffres, avec des études, avec les problématiques réelles rencontrées sur le terrain, et leur apporter des solutions et un chiffrage.
 
Il faut faire un bon discours et savoir argumenter. Il faut privilégier les projets d’ensemble, pas juste quelques travaux isolés. Cela nécessite une réflexion globale pour montrer aux élus que le projet est au profit des utilisateurs, de l'environnement, mais aussi adapté à la gestion de l'enveloppe financière de la ville.
Il faut convaincre que les économies d'énergie générées vont permettre à la commune de payer des factures moins élevées et montrer que les travaux peuvent être amortissables sur plusieurs années. Ce qui revient à dire que notre investissement de départ sera finalement rentabilisé.
 

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